Catfish – Muddy Shivers – Nouvel album – Chronique

Le duo jurassien Catfish, composé de Amandine Guinchard, au chant, basse et percussions, et de Damien Félix, guitares, harmonica, percus, claviers, voix, a sorti son premier album en mars dernier. Nous nous livrons ici à la chronique de ce disque percutant.
Vous pouvez découvrir leur esthétique et leur premier single Make Me Crazy par le clip sorti vendredi dernier et réalisé par Jérôme Martin :

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=4l8SxQzkWvk]

Muddy Shivers est un petit morceau d’Amérique, quelque part entre le Mississippi et le Tennessee chers à Elvis et aux blues men. Une voix et un son qui ne se seraient pas sentis perdus dans les 50’s (Big Shivers). Des titres bien sentis et à la production soignée, aux durées radio edit (env. 3 min)… Sans chichis, les Catfishs ne sont pas d’insipides fishs sticks, c’est brut, les rythmiques sont pesantes, les guitares appuyées, la voix n’est pas trop en avant, rendant ainsi l’ensemble homogène (Much Better). Pas non plus multitudes d’effets dans l’enregistrement, sinon echo et reverb sur les virils Black Coat et My Daddy.
On redescend en douceur avec la ballade folk Hold On – attendue comme un répit délassant après une attaque d’album efficace à souhait – où les chœurs nous transportent volontiers.
Avec Catch Me, on avance sérieusement dans le temps, avec ses faux airs heavy, intense et brûlant, placé idéalement après Hold On.

Catfish_Pochette_Muddy_Shivers

On enchaîne par un passage dans le classic rock avec Have a good time. Puis ça dépote 60’s avec My Daddy, on se sent d’humeur blue grass dans une histoire de famille cradingue à la guitare saturée, distendue. L’album poursuit son voyage rock par Like a cloud, bien classe et classique, et Not Alone, un blues à la basse bien lourde. Du blues, on en garde avec la suivante, Old Fellow, un rock sombre, triste et étouffé, puis se faisant vibrant et actuel.
On finit par Drag You Down, un petit bonbon doucereux, qui tente de nous achever en nous démoralisant mais on y mord pas. On reste habité par cet album, Muddy Shivers, qui se balade en virtuosité dans les méandres marécageux de l’histoire de la naissance du Rock, en se le réappropriant pour bien nous faire comprendre le pourquoi du comment du Rock, le Blues.

Catfish – Muddy Shivers

A acheter en CD : http://musique.fnac.com/a6935207/Catfish-Muddy-shivers-CD-album

Ou en vinyle :  http://musique.fnac.com/a6935209/Catfish-Muddy-shivers-Vinyl-album
Label Volvox
Distribué par Pias
Réalisé par Antoine Coinde et Catfish
Enregistré et mixé au studio Le Hameau
Masterisé par Globe Audio Mastering

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Grand marché d’art contemporain à la Bastille

Une balade sans grand but et en belle compagnie m’a mené tout droit en zigzag à la Bastille. Ce jour-là, tout au long du port de l’arsenal se tenait un étalage de larges tentes blanches.

_ Un camps de Roms enfin bien placé, m’interloquais-je. Allons jeter un œil Femme! (En effet ma compagne étant une femme, je l’appellerai ici du doux sobriquet Femme, pour préserver sa nature timide)

A l’une des entrées, deux vigiles étaient en poste, ils eurent l’audace de nous demander nos billets.

_ Nous sommes simplement en visite. Que se passe-t-il donc ici? rétorquais-je.

_ C’est le marché d’art contemporain, m’apprit-on.

_ Très bien, j’adore l’art! s’exclama Femme.

_ Vous avez des billets?

_ Comment ça, des billets? M’offusquais-je.

A peine le temps pour le vigile de m’annoncer que l’entrée était de 8 euros que mes talons se retournaient…

_ Attendez un instant. Il partit vers l’une des tentes et en revint avec deux invitations.

Cool, allons donc nous permettre de critiquer et de casser du sucre sur le dos de pauvres artisans de la culture sur toile de tissu, sans frais!

C’est qu’il y avait tout de même 560 artistes à cette partouze visuelle. Je sentais que mes yeux allaient vomir après trois stands. Il n’en fût rien. J’étais, pour une fois, d’humeur bucolique. Nous décidions d’un commun accord avec notre bienséance de ne pas nous arrêter aux stands des 125 artistes néo-exposants pour laisser notre cerveau s’extasier devant des bronzes, résines, photographies, toiles d’artistes plus ou moins vaguement connus, au moins dans leur famille (artistique, leur famille).

Le thème de cette année est la récup’.

J’allais être gâté.

Avertissement.

Avant de rentrer dans le détail, autant vos confirmer que, si vous ne l’aviez pas encore compris, je ne suis pas un reporter d’art, par ailleurs je honnis les natures mortes, mais j’adore les enfants laids. L’art doit être mordoré, décalé, en teinte de rouge pour me faire bander.

La volonté de ce billet est de créer un début de discussion virtuelle avec celles et ceux qui auraient, eux, dépensé ces 8 euros d’entrée.

Pour ne pas brusquer les âmes sensibles, je ne citerai aucun nom d’artiste, je n’afficherai pas non plus d’images de ces mêmes artistes sauf s’ils m’en font la demande et que leurs œuvres me plaisent. C’est pas gagné!

Reprenons.

Femme s’intéressait aux détails étonnants des tableaux: « Oh, regarde, celui-ci est en relief! ». Tandis que je fixais un horizon plus lointain pour observer en premier lieu le stand dans son entier. Et si l’amas de couleurs qui en dardait était trop doux ou trop incisif pour ma rétine, je passais mon chemin.

Et là, mon œil de lynx perçu une gêne inhabituelle, un peu comme si mes oreilles avaient saigné après avoir entendu des propos intelligents dans la bouche d’Éric Besson, ce qui n’arrive jamais.

Et là, c’est arrivé. Un portrait d’Hitler me faisait face. Vous connaissez ce cher Adolf? Pas le dictateur envié de toute l’Europe et que écrivit l’histoire avec une grande H (Georges Pérec tm), non, le peintre, celui qui ne fit pas chier le monde en dessinant des bidules à la peinture à l’huile.

Et là, ce n’était pas une caricature, une énième moquerie sur son adorable faciès. Non, un portrait classique, réaliste, presque photographique. La gêne de mon œil se transmit à mes lèvres, qui se crispèrent en une sorte de sourire tendu et légèrement niais. L’artiste me gaula. Tout s’accéléra. Mon sourire s’amplifia, devint poulain. Celui de l’artiste aussi. Je la vis faire le premier pas, dans le même temps ma tête de fou se tourna, mes pieds se mirent en branle pour faire décamper mon grand corps dégingandé. Ouf… Je n’ai rien vu d’autre de cette artiste que ce portrait. En exposant ce portrait au centre de sa hutte culturelle, elle avait un bon moyen de stopper, d’alpaguer le chaland. Et c’est raté. Le chaland se tire. J’aurais pourtant aimé voir le sourire transi de l’artiste se mouvoir en tristesse: « Oh, encore un de parti… »

Et oui, après ce passage folklorique, j’étais vidé. Juste le temps de conclure sur le thème de la récup’ de cette année : Il n’y avait ici de récupérer, que les thèmes et styles que l’on peut déjà voir à Beaubourg. Pas grand chose de plus. Rien de neuf.

Je finirai tout de même par une citation contenue dans un tableau représentant un gros adolescent : « Kévin, finis ton Big Mac! » si représentatif de l’air du temps nul et stérile dans lequel nous tentons de vivre.

A vous de continuer.

Réponse du Révérend de l’Orpheo Mundi :

Je me suis rendu une fois au marché d’art contemporain. Le père d’un ami exposait ses œuvres et c’est de cette manière que j’en ai entendu parler. Ayant deux invitations, je ne pouvais imaginer m’y rendre avec une autre personne que Mr Alec Lloyd Probert, peintre de talent dont vous pouvez, depuis la création de l’Orpheo Mundi, contempler les œuvres au sein du Phalanstère. Nous sommes rentrés par la grande porte du chapiteau abritant les artistes connus et reconnus. Intéressants, pertinents, futiles, inutiles, comme en chaque chose avec le mystère éternel entourant les notions de « succès » et de « respectabilité ».

Nous nous sommes ensuite rendu sur les quais ou se trouvaient rejetés les amateurs. Plutôt que de parler des qualités de ces œuvres, car on est très souvent en dessous de ses aspirations (et je m’inclue dans cette pique), je préfère garder en mémoire la passion des exposants. Car là était pour moi la beauté de l’évènement: que Tonton René ou Mamie Marcelle puissent un moment donné dans leurs vies exposer leurs toiles, quand bien même celles-ci ne vaudraient pas plus qu’un souffle de chat sur un lac. Il ne s’agissait pas ici d’avoir l’horripilant quart d’heure de célébrité, mais tout simplement de rêver un peu pour toutes ces personnes (exceptées pour quelques grotesques se prenant pour des génies). Je reconnais tout de même que les rêves de certains étaient parfois un cauchemar pour nous.

Une courte rencontre toutefois m’a particulièrement marqué, et je pense que mon condisciple doit également s’en rappeler: nous avons été attirés par les tableaux d’un des « amateurs ». Ceux-ci avaient pour thème le sida en Afrique. C’était effroyable de douleurs. Nous voyant regarder, il s’est dirigé vers les autres empilés, les a sorti et nous les a présenté l’un après l’autre, sans dire un mot. Ce silence faisait écho au silence international habituel autour du continent africain. Puis il les reposa, nous lui avons juste dit « merci », tandis que son léger sourire nous répondait « merci ». Nous sommes repartis en silence. Il aurait sûrement été content qu’on achète un de ses tableaux, mais il était simplement heureux que deux quidams prennent le temps de regarder ses œuvres.

Voici mon souvenir du marché d’art contemporain

Mon droit de suite :

Révérend et autres,

J’ai reçu aujourd’hui un message d’un artiste présent à ce marché d’art. Il s’agit de Stéphane Lourdin, illustrateur-graphiste lillois. Je le cite même à la fin de mon texte « « Kévin, finis ton Big Mac! » si représentatif de l’air du temps nul et stérile dans lequel nous tentons de vivre. »

Je vous l’appose partiellement ici, lieu idyllique de liberté:

« Bonjour bonjour, pour rebondir sur l’article à propos du Gmac (Bastille) sur Orpheo mundi: vous avez quand même visité les « neo- exposants » (Et tant mieux!) car c’est là-bas que vous avez croisé « Kevin »[…] En tout cas, merci pour l’intérêt, car sur 600 exposants, c’est Kevin qui marque! Peut-être à bientôt, Stéphane »

Kévin et Adolf, main dans la main!

Un « Kévin » est pour moi, jeune vieux con, la représentation parfaite et vomitive de notre société.

Kévin, ici, aimerait une pomme. Je n’arrive pas à y croire. Kévin veut du gras. Rien de mieux. J’ai une profonde aversion pour les kévins (nom commun). Ici, on demande à Kévin de finir son burger. Ici, l’artiste critiquerait donc les parents de Kévin plus que Kévin lui-même selon le postulat de l’enfant innocent. Sérieusement, quel enfant voudrait d’une pomme! Il veut un putain de McDo. Je me trompe certainement, Kévin veut une pomme, ok! N’allons pas le contrarier ce jeune sans ressource.

Mais bordel, je ne peux pas continuer sereinement, cette œuvre ne me plaît pas, elle me dérange, pourquoi, pute borgne, Kévin voudrait une pomme? Là, cela me fait un deuxième trou au cul.

Je décide de moi-même me laisser réfléchir à une réponse qui pourrait être cohérente. Si vous-même en avez une, vous savez décidément où me trouver.

Et oui, Révérend, le rêve de Lourdin est un cauchemar pour moi.

 

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